Le Sujet

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En une nuit sur l’île d’Anjouan, deux réalités comoriennes se rejoignent. Celle du Grand Mariage, tradition pour laquelle la diaspora comorienne revient chaque année au pays et celle du naufrage d’un kwassa kwassa (embarcation clandestine) en direction de l’île voisine, Mayotte française.

Ces deux évènements qui, au premier abord semblent déconnectés, ont pourtant un dénominateur commun : l’émigration comorienne. La colonisation des Comores par la France et ses ingérences dans les affaires politico-économique des îles représente le point de départ d’une émigration comorienne massive. Alors que trois des îles comoriennes accédèrent à l’indépendance en 1975, la France garda Mayotte, aujourd’hui Département d’Outre Mer français. Le développement de Mayotte soutenu par la France attire vers l’île française tourisme, industries et investissements, en privant ainsi le reste de l’archipel devenu l’une de régions les plus défavorisée au monde, caractérisée par son instabilité politique. Aujourd’hui, on compte plus de comoriens à Marseille que dans la capitale des Comores, Moroni.
A travers ses envois d’argent et de biens, la diaspora comorienne est, pour la population des Comores, la première source de revenus. L’économie locale ne fonctionne qu’une fois par an, lors de la saison des mariages qu’organise surtout la diaspora, puisqu’elle seule a les moyens de financer ces extravagantes cérémonies. Alors que la diaspora arrive à faire survivre cette coutume comorienne si importante, l’impression de richesse qu’elle donne crée un mythe : celui qui émigre réussit. De plus, un fossé social entre ceux qui partent et ceux qui restent se crée et nui à la cohésion sociale et au développement de projets communs.

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Pour ceux qui ne peuvent pas partir loin, le départ reste néanmoins nécessaire à la survie. Ainsi, plus de 20 kwassa kwassas partent chaque jour clandestinement vers Mayotte. La France a instauré un visa pour les comoriens se rendant à Mayotte, alors que les quatre îles partagent une langue, une culture et des liens de parenté. Pour les malades, un traitement dans les hôpitaux mahorais est souvent la seule solution. Ainsi, ils risquent la traversée, parfois au prix de leur vie qu’ils tentaient pourtant de sauver. Plus de 1000 noyés par an ont valu au bras de mer entre Anjouan et Mayotte d’être appelé « le plus grand cimetière de l’Océan Indien ».

Pourtant, les comoriens aiment leurs îles. Dispersés à travers le monde, ils  ont en commun un rêve, un grand mythe. Celui de retour. Une nostalgie qui fait revivre les traditions d’Anjouan lors des mariages, qui fait se réunir les plus défavorisés qui décident de construire eux mêmes leurs routes et leurs destins. Un désir de retour qui fait réfléchir aux migrations contemporaines, bien plus économiques qu’humaines et qui illustre la fuite de ceux dont le pays reste victime de stratégies politiques inéquitables.